Affaire de Quiévrain : 28-30 avril 1792
Journée du 28 avril 1792Le 27 avril, le général Biron, qui commandait sous les ordres de Rochambeau le camp de Famars (Valenciennes), avait reçu l’ordre de sortir de Valenciennes pour opérer un raid sur la ville de Mons et se dirigea le lendemain sur Quiévrain à la tête d'une colonne d’une dizaine de millier d’hommes.
Beaulieu avait décidé, après avoir eu connaissance d'une attaque imminente, que l’emplacement du combat aurait lieu sur les hauteurs entre Jemappes et Cuesmes. Le 28 Avril, il quittait les villages Quaregnon, Jemappes et Frameries et couvrait les ailes de sa position par deux compagnies de chasseurs Leloup. Une troisième compagnie était détachée à Baudour et avançait après Quiévrain. Deux bataillons formaient la garnison de Mons avec deux escadrons et un escadron supplémentaire pour couvrir la retraite sur les hauteurs de Sainte-Lazare et Palisel, de sorte que seuls deux bataillons et 3 compagnies d’infanterie et 10 escadrons défendraient son aile gauche. Une dizaine de pièces d’artillerie, d’un régiment de réserve formée en mars, venait d’arriver d’Ath et étaient disponibles.
Les français s’avancent sur Quiévrechain avec 400 fantassins du 74ème d’infanterie et un détachement de 50 cavaliers du 3ème de Hussards, ils occupent facilement la position défendue par un détachement de Beaulieu.
Biron ordonna le campement entre Quiévrechain et Crespin face au village de Quiévrain.
Une circonstance singulière, raconte Latour-Foissac, frappa, les officiers de l'état-major. « La troupe s'était établie le soldat mangeait la soupe; la nuit était là et nul officier général ne s'était mis en peine de reconnaître le terrain en avant du camp, ou d'y établir des postes et des grand-gardes. Le général Biron ne songeait même pas au mot d'ordre, ni à aucune disposition pour marcher le lendemain. Il se contentait de se promener dans le camp, à cheval, et d'inviter les soldats à honorer le nom français par leur courage; on eût dit que tout autre moyen, toutes précautions étaient inutiles ou ignorés. Un des adjudants généraux en fit l'observation et courut réveiller l'attention du général à ce propos. Ces précautions lui étaient inconnues, tant l'art militaire est éloigné de celui des courtisans et importe peu à étudier à ceux même qui paraissent vouloir en tirer leur fortune ou leur gloire. II s'en remit du soin de dicter ses ordres aux officiers de son état-major. Les oublis furent rectifiés et les ordres donnés pour la marche du lendemain. »
Le 29 avril, le corps français se remet en marche sur trois colonnes.
La colonne de gauche française s’empare de Crespin et repousse une compagnie de chasseurs Leloup qui s’était retirée à l'approche de l'ennemi par Boussu, même s’il voulait garder plus longtemps la position. Mais la progression rapide de l'avant-garde française força à évacuer le village.
Le centre et la gauche des colonnes françaises s'étaient unies entre Wasmes et Saint-Ghislain et étaient déjà à Hornu. Les français prennent l’abbaye de Saint-Ghislain, puis viennent s’établir sur les hauteurs entre le village et Quaregnon, avec l'aile gauche à Wasmuel et la droite s’étendant jusqu’à Wasmes. Après un léger combat, la colonne butte sur le village de Quaregnon gardé par une compagnie des chasseurs de Leloup.
La colonne de droite file par Quiévrechain, Baisieux, Elouge sur Hornu et prit position à Warquignies face à Wasmes. Les troupes ennemies étant présentes des combats d’avant-garde ont lieu et le Lieutenant-colonel Cazeneuve du 3ème régiment de Hussards a son cheval tué sous lui, il est enlevé par les uhlans ennemis. Le Lieutenant-colonel d’artillerie Dupuch reçoit une balle dans le bras.
Finalement, cette colonne tombait nez-à-nez avec l’aile gauche autrichienne composée du bataillon de grenadiers de Briey et de la majeure partie de la cavalerie qui avait maintenant reçu l'ordre d'avancer sur les hauteurs.
Beaulieu avait placé ses troupes de son aile gauche sous le commandement du colonel Fischer du 37° régiment de Dragons de Cobourg qui contenait 1 800 fantassins, 1 500 cavaliers et 10 pièces d’artillerie.
L’armée française se range en bataille apparemment décidée au combat. Un bataillon du 89ème régiment d’infanterie occupe la barrière et le village de Wasmuel. Les troupes bivouaquent sur place et durant la nuit et le jour d’autres combats d’avant-garde ont lieu : les grenadiers du 1er et du 49ème régiment d’infanterie, les hussards du 3ème et les cavaliers du 3ème régiment de cavalerie tuent quelques uhlans. Des chasseurs Leloup sont en avant des lignes ennemies et des tirs s’engagent sporadiquement.
Dumouriez croyait que les habitants étaient disposés à donner le premier signal de l'insurrection mais, contre toute attente, aucun mouvement eu lieu. Biron craignant d'être attaqué par les forces qu'il apercevait sur les hauteurs de Jemappes et qu'il jugeait supérieures, ordonna de rétrograder jusqu'à Boussu pour y passer la nuit, après avoir inutilement canonné les avant-postes ennemis. Beaulieu n'a pas poursuivi l'ennemi et attendait l'arrivée de deux autres bataillons, qui arrivèrent avec 6 canons et 2 obusiers à la nuit tombée. Simultanément, est apparu un détachement de 230 cavaliers et 400 émigrés, dont le commandant demanda la permission de rejoindre les troupes de Beaulieu.
La nuit du 29 au 30 avrilTout était tranquille dans le camp dont le général et son état-major parcoururent le front, et il était à peu près minuit lorsque des cris se firent entendre vers la gauche. Ils partaient du 6° régiment de dragons dont quelques hommes, faisant une patrouille sous le commandement d'un officier, prétendirent avoir été attaqués sur les derrières du camp par des ennemis qui l'avaient tourné et qui leur avaient tiré des coups à bout portant. Quelques coups de pistolet avaient, en effet, été entendus dans cette direction, ce qui avait fait prendre les armes aux troupes de la gauche et répandre l'alarme. Bientôt on entendit proférer ces mots : « A nous, camarades ! Nous sommes tournés, trahis ! Nous allons être égorgés ! Cent mille Autrichiens sont derrière nous ! Sauve qui peut ! ».
Biron accourt, et avec lui Rochambeau fils, Levasseur, aide de camp de Dumouriez, le duc de Montpensier, Foissac, Dampierre, qui tentent de rallier les fuyards. Les 5° et 6° dragons affolés, bousculent Dampierre, Biron est entraîné par son peloton d'escorte et les hussards menacent le général ; toute la cohue dévale par la chaussée sous un beau clair de lune, qu'obscurcit un nuage de poussière. Le colonel Dampierre maintient toutefois l’essentiel du 5° Dragons en ligne.
Mais le mal est fait et Biron ayant eu un message lui annonçant que la colonne de Dillon s'était portée à Tournay et avait été battue puis s'était retirée à Lille. Ce fait implique l'impossibilité de mener à bien l'attaque sur Mons et avec toute la difficulté que Biron a eu pour rétablir la discipline, le 30 Avril, il décide de retraiter en confiant la charge de couvrir ce mouvement au colonel Dampierre. Le bataillon du 68° régiment de ligne, et celui des Gardes Nationales de l’Orne sont placés derrière des vergers, appuyés par 4 pièces de canons et 3 escadrons du 3ème régiment de cavalerie.
30 avrilSur l’aile gauche, une compagnie de chasseurs initia ce mouvement offensif suivi du bataillon de grenadiers du lieutenant colonel de Briey et de deux bataillons du régiment de Murray et soutenus par 6 escadrons et 200 émigrés à cheval. Ils pressent d’abord sur Frameries puis, le capitaine Thierry força le village de Pâturage malgré la quantité d'infanterie française qu'on y avait rassemblé et, après un combat acharné, resta maître de la position. Les Autrichiens prirent position entre les villages Pâturages et Wasmes et menacèrent la position des français à Boussu sur le flanc et l'arrière.
Plus au nord, après avoir pénétré adroitement dans le village de Quaregnon, les chasseurs belges de Leloup arrêtèrent l'ennemi partout où il voulut avancer et s'étaient établis dans un ravin, le long de la position occupée par les Autrichiens. Les troupes françaises s'épuisèrent en vains efforts pour les débusquer de ce poste. Lorsque tout à coup, la dernière compagnie de chasseurs Leloup qui était à Baudour apparu à Saint-Ghislain dans leur flanc gauche.
Le général Biron donna l'ordre de retraiter vers Quiévrechain; et pour défendre Quiévrain contre les combattants impériaux il avait laissé en arrière un bataillon de la Garde nationale du nord. Malgré les efforts de Biron pour organiser la retraite, l'armée se débanda.
Les Autrichiens profitant de leur avantage, poussèrent et tombèrent sur le bataillon des gardes nationaux du nord à Quiévrain soutenu par une batterie. Les chasseurs Leloup apparurent de plusieurs côtés dans la ville. Ce fut le capitaine Lamey qui attaqua la batterie française. Un instant, cet officier se trouva complètement enveloppé par la cavalerie ennemie, mais il parvint à se frayer un passage au travers des rangs français, grâce à sa fermeté et à la résolution énergique de ses vaillants chasseurs. Les français n'opposèrent qu'une faible résistance et les impériaux capturèrent des armes et firent des prisonniers.
Le reste des défenseurs fuirent à la hâte de l'autre côté de l'Hongnau-ruisseau et se replièrent en désordre sur Famars (au sud de Valencienne).
A ce moment, les Français se ressaisissent : Rochambeau avait eu les nouvelles de la retraite et envoya un bataillon du 68° régiment d'infanterie de ligne à Biron avec de la cavalerie et quatre canons envoyé sous le commandement du général Fleury, qui arriva pour reprendre Quiévrain.
Les chasseurs Leloup avaient rapidement barricadé le pont sur le ruisseau et s’établirent sur les berges et dans le cimetière situé au nord du pont. La lutte fut intense et confuse. Seuls le 3° régiment de hussards restèrent dignes d'eux-mêmes, mais le 68° régiment d’infanterie de ligne voit tomber le maréchal de camp Fleury et se débande. Biron mène le 49° régiment d’infanterie de ligne commandé par le comte Raphaël de Casabianca, à qui son héroïsme valut le grade de maréchal de camp, et obligea les chasseurs à se retirer. Le combat au corps à corps fût obstiné et les emmena jusqu'à une colline, environ 3km à l'est de Quiévrain en arrière.
Le colonel Fischer apparut avec sa cavalerie et le régiment français tint vainement en respect les uhlans de Degelmann, les autres corps refusant de suivre leur général & forçant les Français à se replier sur Quiévrain. Puis, escorté des hussards, Biron abandonne Quiévrain et repasse la frontière laissant deux cent cinquante Français morts sur le champ de bataille. Cinq canons, un grand nombre de prisonniers et de voitures tombèrent au pouvoir des vainqueurs.
La perte éprouvée dans cette première affaire par Biron eût été plus considésirable encore si le maréchal de Rochambeau, informé du désastre, ne se fût avancé au delà de Thulin, avec trois régiments de cavalerie arrivés la veille à Valenciennes, un régiment d'infanterie, et n'eût placé sur les hauteurs de Sainte-Sauv huit pièces de canon dont le feu arrêta les Autrichiens.
Jamais la peur ne présenta une image plus effrayante, dit Foîssac.
Beaulieu regagna Mons le 1er mai. L'empereur d’Autriche, pour reconnaître les services que le comte de Beaulieu avait rendu pendant ces deux journées - services auxquels les circonstances donnaient plus d'importance encore - lui accorda la propriété du régiment d'infanterie hongroise n°31, devenu disponible par la mort du général Orosz. Beaulieu est ainsi le premier officier belge qui ait été propriétaire d'un régiment hongrois.
Sources :récit d’Alexandre de Beauharnais : Le 28 avril 1792, il se trouve à l’affaire de Quiévrain.
Krieg gegen die französische Revolution 1792-1797
Les armées françaises et Les campagnes de 1792 à 1794 sur le Rhin et dans le Nord Laurent Brayard
La Belgique sous la domination française (1792-1815). Dumouriez dans les ci-devant Pays-Bas autrichiens (1912)
Ordre de bataille françaisEtat-Major :
M. de Biron, lieutenant général,
MM. Fleury et Rochambeau fils, maréchaux de camp.
MM. Alexandre de Beauharnais et Foissac-Latour, adjudants généraux;
M. du Puch, lieutenant-colonel, commandant l'artillerie;
M. Lafitte colonel du génie
Centre (sur Wasmuel)
3ème régiment de hussards [? escadrons - ?h] (Colonel de Froissy-Brisson)
3ème régiment de cavalerie [1 escadron - ?h] (Colonel de Flers)
1er régiment d’infanterie de ligne [1 bataillon - ? h] (Colonel Rouillère)
49ème régiment d’infanterie de ligne [1 bataillon - ? h] (Colonel de Casabianca)
Artillerie
Aile droite (sur Framerie)
18ème régiment d’infanterie de ligne [1 bataillon - ? h] (Colonel de Tourville)
2ème bataillon de volontaires nationaux de l’Orne [1 bataillon - ? h]
5ème régiment de dragons [? escadrons - ?h] (Colonel Dampierre)
6ème régiment de dragons [? escadrons - ?h] (Colonel Duval de Hautmaret)
4 pièces de canons
3ème régiment [3 escadrons - ?h] (Colonel de Flers)
En arrière (sur Boussu)
74ème régiment d’infanterie de ligne [1 bataillon - ? h] (Colonel Freytag)
3ème bataillon de volontaires nationaux de l’Orne [1 bataillon - ? h]
2ème bataillon de volontaires nationaux de Paris [1 bataillon - ? h]
sur Quiévrain
bataillon de Gardes Nationaux du Nord [1 bataillon - ? h]
artillerie
Renforts sur Quiévrain Maréchal de Camp Fleury
68ème régiment d’infanterie de ligne [1 bataillon - ? h] (Colonel de Montchoisy)
artillerie
Renforts de Valenciennes
régiment d’infanterie à Saint Saulve
3 régiments de cavalerie
3 régiments de cavalerie au-delà de Thulin sous Rochambeau
Ordre de bataille autrichienBeaulieu
régiment de Sztaray [2 bataillons - ?h]
chasseurs de Leloup
Aile droite à Baudour
1 compagnie de chasseurs Leloup
Centre devant Jemmapes
1 escadron de cavalerie
Régiment d'infanterie O'Donell 2° bataillon
Régiment d'Infanterie 41 - 2/3 du 2° bataillon
Régiment d'Infanterie 33 - 1° bataillon
2 escadrons de cavalerie
1 compagnie de chasseurs Leloup
Aile Gauche à droite de Frameries - Colonel Fischer (des Dragons de Cobourg) - 1 800 fantassins, 1 500 cavaliers et 10 pièces d’artillerie
8 canons et obusiers 2
Bataillon des Grenadier de Briey
Régiment d'Infanterie 33 - 2° bataillon
Régiment de Dragon 37 Cobourg - 3 escadrons
1 compagnie de chasseurs Leloup
1 escadron 200 émigrés
Régiment des Uhlans Degelmann - 3 escadrons
En arrière sur Mons
Régiment d'Infanterie 41 - 2° bataillon 1 compagnie
Régiment d'Infanterie 55 - 1° et 2° bataillons
Régiment d'Infanterie 41 - 2° bataillon 1 compagnie
1 escadron