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La bataille de Neerwinden eut lieu le 18 mars 1793 près du village de Neerwinden (en Belgique actuelle), entre l’armée impériale sous les ordres du prince de Cobourg et l’armée française commandée par le général Dumouriez.
Elle ne doit pas être confondue avec celle ayant eu lieu un siècle plus tôt, en 1693.
Conséquences
La bataille marque la fin de la tentative de Dumouriez de déborder les Pays-Bas et le commencement de l’invasion de la France par les alliés. Les Impériaux, sous les ordres de Cobourg, qui marchaient depuis Maastricht vers Bruxelles, ont rencontré le 15 mars 1793 l’avant-garde de l’armée française qui se réunissait à la hâte à Tirlemont, et ont pris position entre Neerwinden et Neerlanden.
Le 18 mars, après une petite escarmouche, Cobourg se replie afin de réarranger son armée entre Racour et Dormael, et de ce fait, réussit à parer la tentative d’encerclement menée par les Français. Dumouriez est donc contraint de combattre sur plusieurs fronts en même temps. L’enthousiasme et l’entrain des Français compensent leur manque de formation ainsi que leur indiscipline, mais ils ne peuvent malgré cela rien faire contre des troupes autrichiennes aguerries et connaissant mieux les techniques de combat à découvert. La chance de voir se concrétiser un deuxième Jemappes disparait, le ratio de 11 attaquants pour 10 défenseurs au lieu de 2 contre 1 à Jemappes menant inexorablement vers la défaite. Cet échec de l’armée révolutionnaire française donna le signal de sa dissolution presque complète.
Cette bataille aura été un désastre militaire, mais pas une grande bataille en tant que telle : elle montre simplement l’impossibilité au xviiie siècle, pour des troupes mal préparées, de combattre efficacement des militaires professionnels. Les grands succès des sans-culottes n’arriveront que plus tard.
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La bataille de Neerwinden
D’après « Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français » - Charles-Théodore Beauvais
Le combat de Tirlemont et de Goidenhosven, où les Autrichiens avaient perdu plus de huit cents hommes, avait rendu toute la confiance à
l’armée française, et Dumouriez se décida à en profiter pour livrer une bataille qui lui paraissait inévitable, et dont il se promettait les plus
grands avantages, s’il pouvait la gagner.
En effet, les Autrichiens pouvaient recevoir tous les jours de nombreux renforts, et les Français n’en avaient point à espérer ; leur armée n’était
ni assez disciplinée, ni assez exercée pour faire une retraite lente et manoeuvrière devant des forces supérieures, et ils devaient tout craindre si
on les eût forcés à recevoir alors une bataille, dont la perte était probable dans le système défensif. Prenant l’initiative, et cherchant à mettre les
chances favorables de son côté, Dumouriez pouvait, en cas de succès, concevoir l’espérance d’achever la levée des bataillons belges, et de
repousser le prince de Cobourg au-delà de la Meuse, ou peut-être jusqu’au-delà du Rhin.
Le général en chef se décide donc à attaquer l’ennemi. En conséquence, il porte en avant son armée, et étend son front, la droite à
Goidenhosven, aux ordres du général Valence, et le centre aux ordres du duc de Chartres, vers la chaussée de Tirlemont. Le général Miranda
commandait la gauche, qui, disposée en potence, s’étendait d’Osmael aux hauteurs d’Oplinter. Le général Neuilly appuyait sa droite à Neer-
Heylissem. Le général Oampierre était posté à Esemael, en avant du centre, et le général Miaczinski, avec sa cavalerie, au pont de la petite
Geete, vis-à-vis d’Osmael.
Le front des deux armées offrait un développement de deux lieues. Celle des Français, de Goidenhosven aux hauteurs de Wommersen et
d’Oplinter ; et celle des Autrichiens, depuis les hauteurs de Racour jusqu’au-delà de Helle, dans la plaine de Leau. L’avant-garde était aux
ordres de l’archiduc Charles. Le général Collorédo commandait la première ligne. La seconde, au centre de laquelle se trouvaient les dragons de
Cobourg, était commandée par le général duc de Wurtemberg.
Une division de cavalerie et quelque infanterie, aux ordres du général-major Stipshitz, couvraient le flanc droit de l’armée, et observaient la
plaine de Leau. Le corps de réserve était aux ordres du général Clairfait. La petite Geete couvrait le front de cette ligne, et séparait les deux
armées.
L’armée française fut formée sur huit colonnes. La première, formant l’extrême droite, composée de l’avant-garde aux ordres du général
Lamarche, débouchant par le pont de Neer-Heylissem, devait se porter dans la plaine entre Landen et Overwinden, pour déborder la gauche de
l’ennemi, et l’inquiéter sur ce flanc. La deuxième colonne, composée de l’infanterie de l’armée des Ardennes, commandée par le lieutenantgénéral
Leveneur, débouchant aussi par le même pont, soutenue par un gros corps de cavalerie, devait se porter avec rapidité sur la tombe de
Midelwinden, et attaquer le village d’Ovenwinden. La troisième colonne, aux ordres du général Neuilly, débouchant aussi par le même pont,
devait attaquer en même temps le village de Neerwinden, par sa droite. Ces trois colonnes formaient l’attaque de droite, commandée par le
général Valence.
L’attaque du centre, conduite par le duc de Chartres, était composée de deux colonnes. L’une, sous les ordres du général Dietmann, passant un
ruisseau sur le pont de Laer, devait traverser rapidement le village, et seporter directement sur le front de celui de Neerwinden ; l’autre,
commandée par le général Dampierre, devait, après avoir passé le pont d’Esemael, se porter sur la gauche de Neerwinden.
L’attaque de gauche, aux ordres du général Miranda, était composée de trois colonnes. La première, dirigée par le général Miacsinski, passant la
petite Geete à Overhespen, devait attaquer devant elle, en se portant sur Neerlanden ; la seconde, aux ordres du général Ruault, passant la rivière
au pont d’Orsmael, devait attaquer par le grand chemin de Saint-Tron à Liège ; la troisième, commandée par le général Champmorin, devait
passer la grande Geete au pont de Bingen, pour aller s’emparer du poste fortifié de Leau, qu’elle devait tenir jusqu’à la fin de la bataille.
Au point du jour, les colonnes se mirent en mouvement, et à neuf heures, la droite commença à passer la petite Geete. A la gauche, le général
Miranda délogea d’abord les troupes légères ennemies du village d’Orsmael. Les Autrichiens opposent une résistance opiniâtre, et il s’établit de
part et d’autre un grand feu d’artillerie, pendant lequel la troisième colonne s’empara de la ville de Leau, et s’y maintint. Cependant le général
Valence, ayant passé en même temps le pont de Neer-Heylissem, attaquait le village de Racour, d’où il chassa l’ennemi. Cet avantage assura le
passage de l’avant-garde. Avec ce renfort, le général Valence presse les Autrichiens, et, étendant tout-à-coup ses bataillons, déborde leur aile
gauche.
A ce moment, la résistance devient égale à l’impétuosité de l’attaque. Les Autrichiens, placés dans une position qui les met à même de dominer
le front de bataille des Français, les reçoivent avec une artillerie formidable qui répand la mort dans leurs rangs. Deux fois l’infanterie retourne
à la charge, et deux fois elle est repoussée avec une perte immense. Valence se met à la tête de sa cavalerie, et la fait charger si vigoureusement,
qu’il pénètre à travers les rangs ennemis, malgré les efforts des Autrichiens pour l’arrêter, et ouvre un passage à son infanterie, qui, pour la
troisième fois, recommence l’attaque.
La mêlée devient alors terrible ; mais enfin, après un combat longtemps incertain, les Autrichiens, poussés, opèrent leur retraite, et vont se
rallier à quelque distance. Ce succès permettait aux généraux Neuilly et Leveneur de traverser la petite Geete, et de s’emparer du poste
d’Overwinden. Ils réussissent en effet dans ce mouvement, et se portent aussitôt sur la tombe de Midelwinden.
Ce monticule assez élevé, qui commande trois villages voisins, était couvert d’artillerie, et l’attaque était très hasardeuse. Mais la possession de
Midelwinden étant nécessaire à l’exécution des plans de Dumouriez, Neuilly et Léveneur se mettent à la tête des colonnes pour l’emporter. Leur
mouvement est si brusque, que, malgré l’avantage de leur excellente position, les Autrichiens sont obligés d’abandonner ce point important, qui
pouvait décider de la victoire. Cobourg envoie de nombreuses colonnes pour le reprendre. L’infanterie du général Leveneur, qui était restée
seule pour garder ce poste, cède aux efforts des assaillants. Mais bientôt, renforcé par quelques troupes, il fait une nouvelle attaque et la tombe
de Midelwinden fut ainsi disputée pendant toute la journée.
Tandis que le genéral Leveneur se battait ainsi opiniâtrement, le général Neuilly était lui-même vivement aux prises avec une forte colonne
ennemie. Après la première occupation de Midelwinden, ce général s’était porté sur le village de Neerwinden, et s’en était rendu maître après
un combat sanglant, où les deux partis firent l’un et l’autre preuve de valeur. Un bataillon des volontaires de la Charente s’y distingua
particulièrement.
Le général Neuilly, au lieu de se maintenir dans Neerwinden, comme il en avait l’ordre, commit la faute de le dépasser. Emporté par l’ardeur de
ses troupes, il s’était étendu dans la plaine. A ce moment, le général Clairfait, qui venait de recevoir des renforts considérables, fit marcher la
gauche des deux lignes de l’infanterie autrichienne contre le village de Neerwinden qu’il reprit. Le duc de Chartres, que sa position mettait à
même d’apercevoir ces progrès de l’ennemi, vole aussitôt à la tête des quatrième et cinquième colonnes, fond avec rapidité sur les Autrichiens,
et les chasse une seconde fois de Neerwinden. Le général Desforêts, fut blessé, dans cette action, d’un coup de feu à la tête.
La confusion succéda au succès de cette attaque ; le village se trouva encombré d’infanterie, qui se mêla, se mit en désordre, et l’abandonna
encore à l’approche de l’ennemi.
Dumouriez, qui arriva sur ces entrefaites, fit attaquer le village, pour la troisième fois, par toute sa droite. Le régiment de Deux-Ponts y pénétra,
malgré la vive résistance de l’ennemi. Sa valeur lui coûta cher ; il perdit, dans cette attaque, plus de trois cents hommes. Mais déjà l’ennemi
avait eu le temps de faire marcher sur ce point décisif toutes les troupes de son centre et une partie de celles de la droite. Après avoir défendu
Neerwinden avec le plus vif acharnement, les Français, foudroyés par l’artillerie autrichienne, évacuèrent encore une fois ce village, qui resta
encombré de morts et de blessés des deux partis.
Dumouriez essaya de reformer sa ligne en arrière de Neerwinden. Dans ce moment critique, la cavalerie impériale déboucha tout-à-coup dans la
plaine, et forma deux attaques : la première entre Midelwinden et le village évacué ; la seconde, à gauche de ce village, était dirigée sur les deux
lignes d’infanterie.
Valence, saisissant l’importance de ce mouvement, chargea impétueusement sur la première attaque, à la tête de la cavalerie française. Le choc
fut rude ; Valence y reçut plusieurs coups de sabre, et fut obligé de se faire transporter à Tirlemont. Mais la cavalerie impériale fut repoussée.
La seconde attaque de cavalerie déboucha au même instant que la première, et avec la même impétuosité, par la gauche de Neerwinden, pour se
jeter sur l’infanterie de la quatrième colonne. Le général Thouvenot, qui s’y était porté, fit ouvrir les rangs pour la laisser passer ; ensuite, il fit
faire si a propos une décharge de mousqueterie par le régiment de Deux-Ponts, et un feu à mitraille, que cette cavalerie en fut abîmée.
A la droite et au centre, le combat se trouvait rétabli, et la victoire était encore balancée. Mais à la gauche, les affaires allaient bien
différemment. Après s’être emparé du village d’Orsmael, Miranda se l’était vu enlever par les grenadiers du prince Charles, tandis que le
général autrichien Benjousky s’avançait par la chaussée de Tirlemont pour le tourner. La terreur se mit dans les bataillons de volontaires, qui, se
voyant près d’être enveloppés, prirent la fuite, et abandonnèrent les troupes de ligne. Les Autrichiens augmentèrent encore ce désordre par une
charge de cavalerie, qui acheva de mettre les deux colonnes de gauche en déroute. Guiscard, maréchal-de-camp d’artillerie, fut tué, ainsi que
plusieurs aides-de-camp et officiers d’état-major. Les généraux Hiler et Ruault furent légèrement blessés.
Cependant Miranda, que les Autrichiens ne jugèrent pas à propos de poursuivre, et auquel le général Miacsinski amenait un secours de huit
bataillons qui n’avaient point encore combattu, aurait pu facilement rallier ses troupes derrière le pont d’Orsmael, et les ramener à la charge.
Mais, au lieu de prendre cette mesure, qui peut-être eût été décisive, il se laissa entraîner par ses soldats, donna l’ordre de la retraite, et l’exécuta
précipitamment jusque derrière Tirlemont, à plus de deux lieues du champ de bataille, sans faire prévenir le général en chef de ce mouvement.
Celui-ci conservait encore quelque espoir, et n’entendant plus le feu de sa gauche, il pouvait raisonnablement attribuer ce silence à un succès,
surtout ne voyant point paraître l’ennemi sur le flanc de son centre, où devaient se porter les coups décisifs.
Mais sur la fin de la journée, la droite des Autrichiens, n’ayant plus d’inquiétude sur le mouvement rétrograde de Miranda, s’était reportée sur le
centre et la droite de Dumouriez. Ces troupes victorieuses abordent avec ardeur, sur le chemin de Saint-Tron, les Français qui se défendaient
avec vigueur contre les attaques du centre et la gauche de l’armée ennemie. Déja fatigués d’un combat opiniâtre, soutenu depuis onze heures,
les Français s’épouvantent à la vue de cette droite, dont l’apparition leur annonce les désastres de la gauche.
Au même moment, le désordre et la confusion deviennent extrêmes. En vain les généraux font les plus grands efforts pour les rallier, et
s’opposer à une prochaine déroute. Les troupes méconnaissent leur voix ; la fuite est désormais le seul moyen de salut qu’elles voient devant
elles. Elles repassent précipitamment la petite Geete, il n’est plus possible de les retenir.
Cette armée qui avait si glorieusement chassé de France les coalisés, qui, en si peu de temps, avait conquis la Belgique, perd ainsi en un instant
le fruit de ses premiers succès. La bataille de Neeminden fut aussi funeste à la république que celle de Jemappes lui avait été favorable.
Quatre mille morts ou blessés laissés sur le champ de bataille, deux mille cinq cents prisonniers, un matériel immense abandonné à l’ennemi,
une armée toute entière désorganisée, l’évacuation presque totale de la Belgique, tels furent les résultats d’une journée qui fit perdre à
Dumouriez toute sa gloire, et à laquelle, disait-on alors, ce général, mécontent de la Convention, avait contribué puissamment par ses mauvaises
dispositions et par la trahison.
Quoique vainqueurs, les Autrichiens avaient aussi considérablement souffert. Ils avouèrent dans leurs rapports une perte de trois mille morts.
Cette bataille, qui allait une seconde fois ouvrir les portes de la France aux puissances alliées, et qui était comme le signal des désastres qui l’ont
suivie, a été diversement racontée par les auteurs. Nous avons suivi le récit qu’en donnent Dumouriez dans ses mémoires, le général Jomini, que
nous avons copié en plusieurs endroits, et des mémoires manuscrits.
Cependant, il est vrai de dire que d’autres écrivains, d’une autorité moins sûre et moins positive, la rapportent tout différemment. Suivant eux,
c’est Dumouriez lui seul qui, par ses mauvaises dispositions, a perdu cette bataille. Miranda, au lieu de fuir lâchement, n’aurait été vaincu que
parce que Dumouriez lui avait ordonné une attaque impossible à exécuter.
L’auteur du Tableau historique cite, à l’appui de cette assertion, ce passage d’un rapport sur la bataille de Neerwinden, fait à la Convention par
le général Miranda, le 29 mars 1793 :
« A neuf heures, les colonnes se mirent en mouvement, et à dix l’attaque commença à la gauche. Quatre colonnes passèrent sur le pont
d’Orsmael et par la chaussée, une autre par le pont de Leau.
La position de l’ennemi était si avantageuse par le terrain, par le nombre et par la formidable artillerie qui le couvrait, que l’infanterie, avant
d’avoir pu approcher ses lignes, avait été obligée de repousser la cavalerie et les troupes légères qui occupaient les villages, et d’essuyer le feu
des batteries croisées, avant de pouvoir gravir les hauteurs sur lesquelles était postée l’infanterie ennemie, sur deux lignes.
Les Français prirent d’abord les villages, et repoussèrent la cavalerie. Mais le terrain coupé empêchant nos colonnes de se déployer, le feu des
artilleurs ennemis produisit sur elles un tel effet, que l’infanterie, après les plus nobles efforts, et après avoir essuyé une perte considérable, ne
put pas déposter celle de l’ennemi, qui était sur les hauteurs, couverte de toute son artillerie, tandis que celle des Français, démontée et perdant
ses chevaux dans les chemins où elle se trouvait engorgée ou embourbée, ne put être mise avantageusement en batterie.
L’infanterie française fut donc obligée de se replier, après plusieurs heures de combat, derrière la petite Geete, en cherchant à reprendre la
position qu’elle avait avant l’attaque. Dans cette retraite, il y eut quelque desordre. Mais il ne peut être attribue ni aux généraux, ni aux troupes,
si ce n est par Dumouriez, dont l’impéritie égala la malveillance envers le général Miranda ».
De son côté, le général en chef autrichien Cobourg prétend, dans ses rapports, que Dumouriez ne reprit point le village de Neerwinden, et que
l’armée autrichienne, en ayant une fois chassé les Français, elle s’y était maintenue.
Tous ces rapports diffèrent donc essentiellement entre eux. Mais quelles que fussent les causes de ce désastre, la bataille de Neerwinden n’en
était pas moins perdue, et ce revers allait placer la France dans une position bien difficile, dont elle ne pouvait être tirée que par des moyens
extraordinaires et surnaturels, comme ceux que ces fastes militaires retraceront en partie.
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Le combat de Tirlemont et de Goidenhosven, où les Autrichiens avaient perdu plus de huit cents hommes, avait rendutoute la confiance à l’armée française, et Dumouriez se décida à en profiter pour livrer une bataille qui lui paraissaitinévitable, et dont il se promettait les plus grands avantages, s’il pouvait la gagner.
En effet, les Autrichiens pouvaient recevoir tous les jours de nombreux renforts, et les Français n’en avaient point àespérer ; leur armée n’était ni assez disciplinée, ni assez exercée pour faire une retraite lente et manoeuvrière devantdes forces supérieures, et ils devaient tout craindre si on les eût forcés à recevoir alors une bataille, dont la perte étaitprobable dans le système défensif. Prenant l’initiative, et cherchant à mettre les chances favorables de son côté,Dumouriez pouvait, en cas de succès, concevoir l’espérance d’achever la levée des bataillons belges, et de repousserle prince de Cobourg au-delà de la Meuse, ou peut-être jusqu’au-delà du Rhin.
Le général en chef se décide donc à attaquer l’ennemi. En conséquence, il porte en avant son armée, et étend sonfront, la droite à Goidenhosven, aux ordres du général Valence, et le centre aux ordres du duc de Chartres, vers lachaussée de Tirlemont. Le général Miranda commandait la gauche, qui, disposée en potence, s’étendait d’Osmael auxhauteurs d’Oplinter. Le général Neuilly appuyait sa droite à Neer-Heylissem. Le général Oampier Esemael, en avant du centre, et le général Miaczinski, avec sa cavalerie, au pont de la petite Geete, vis-à-visd’Osmael.
Le front des deux armées offrait un développement de deux lieues. Celle des Français, de Goidenhosven aux hauteursde Wommersen et d’Oplinter ; et celle des Autrichiens, depuis les hauteurs de Racour jusqu’au-delà de Helle, dans laplaine de Leau. L’avant-garde était aux ordres de l’archiduc Charles. Le général Collorédo commandait la premièreligne. La seconde, au centre de laquelle se trouvaient les dragons de Cobourg, était commandée par le général duc deWurtemberg.
Une division de cavalerie et quelque infanterie, aux ordres du général-major Stipshitz, couvraient le flanc droit del’armée, et observaient la plaine de Leau. Le corps de réserve était aux ordres du général Clairfait. La petite Geetecouvrait le front de cette ligne, et séparait les deux armées.
L’armée française fut formée sur huit colonnes. La première, formant l’extrême droite, composée de l’avant-garde auxordres du général Lamarche, débouchant par le pont de Neer-Heylissem, devait se porter dans la plaine entre Landenet Overwinden, pour déborder la gauche de l’ennemi, et l’inquiéter sur ce flanc. La deuxième colonne, composée del’infanterie de l’armée des Ardennes, commandée par le lieutenant-général Leveneur, débouchant aussi par le mêmepont, soutenue par un gros corps de cavalerie, devait se porter avec rapidité sur la tombe de Midelwinden, et attaquerle village d’Ovenwinden. La troisième colonne, aux ordres du général Neuilly, débouchant aussi par le même pont,devait attaquer en même temps le village de Neerwinden, par sa droite. Ces trois colonnes formaient l’attaque dedroite, commandée par le général Valence.
L’attaque du centre, conduite par le duc de Chartres, était composée de deux colonnes. L’une, sous les ordres dugénéral Dietmann, passant un ruisseau sur le pont de Laer, devait traverser rapidement le village, et seporterdirectement sur le front de celui de Neerwinden ; l’autre, commandée par le général Dampierre, devait, après avoirpassé le pont d’Esemael, se porter sur la gauche de Neerwinden.
L’attaque de gauche, aux ordres du général Miranda, était composée de trois colonnes. La première, dirigée par legénéral Miacsinski, passant la petite Geete à Overhespen, devait attaquer devant elle, en se portant sur Neerlanden ; laseconde, aux ordres du général Ruault, passant la rivière au pont d’Orsmael, devait attaquer par le grand chemin deSaint-Tron à Liège ; la troisième, commandée par le général Champmorin, devait passer la grande Geete au pont deBingen, pour aller s’emparer du poste fortifié de Leau, qu’elle devait tenir jusqu’à la fin de la bataille.
Au point du jour, les colonnes se mirent en mouvement, et à neuf heures, la droite commença à passer la petite Geete.A la gauche, le général Miranda délogea d’abord les troupes légères ennemies du village d’Orsmael. Les Autrichiensopposent une résistance opiniâtre, et il s’établit de part et d’autre un grand feu d’artillerie, pendant lequel la troisièmecolonne s’empara de la ville de Leau, et s’y maintint. Cependant le général Valence, ayant passé en même temps lepont de Neer-Heylissem, attaquait le village de Racour, d’où il chassa l’ennemi. Cet avantage assura le passage del’avant-garde. Avec ce renfort, le général Valence presse les Autrichiens, et, étendant tout-à-coup ses bataillons,déborde leur aile gauche.
A ce moment, la résistance devient égale à l’impétuosité de l’attaque. Les Autrichiens, placés dans une position quiles met à même de dominer le front de bataille des Français, les reçoivent avec une artillerie formidable qui répand lamort dans leurs rangs. Deux fois l’infanterie retourne à la charge, et deux fois elle est repoussée avec une perteimmense. Valence se met à la tête de sa cavalerie, et la fait charger si vigoureusement, qu’il pénètre à travers les rangsennemis, malgré les efforts des Autrichiens pour l’arrêter, et ouvre un passage à son infanterie, qui, pour la troisièmefois, recommence l’attaque.
La mêlée devient alors terrible ; mais enfin, après un combat longtemps incertain, les Autrichiens, poussés, opèrentleur retraite, et vont se rallier à quelque distance. Ce succès permettait aux généraux Neuilly et Leveneur de traverserla petite Geete, et de s’emparer du poste d’Overwinden. Ils réussissent en effet dans ce mouvement, et se portentaussitôt sur la tombe de Midelwinden.
Ce monticule assez élevé, qui commande trois villages voisins, était couvert d’artillerie, et l’attaque était trèshasardeuse. Mais la possession de Midelwinden étant nécessaire à l’exécution des plans de Dumouriez, Neuilly etLéveneur se mettent à la tête des colonnes pour l’emporter. Leur mouvement est si brusque, que, malgré l’avantage deleur excellente position, les Autrichiens sont obligés d’abandonner ce point important, qui pouvait décider de lavictoire. Cobourg envoie de nombreuses colonnes pour le reprendre. L’infanterie du général Leveneur, qui était restée seule pour garder ce poste, cède aux efforts des assaillants. Mais bientôt, renforcé par quelques troupes, il fait unenouvelle attaque et la tombe de Midelwinden fut ainsi disputée pendant toute la journée.
Tandis que le genéral Leveneur se battait ainsi opiniâtrement, le général Neuilly était lui-même vivement aux prisesavec une forte colonne ennemie. Après la première occupation de Midelwinden, ce général s’était porté sur le villagede Neerwinden, et s’en était rendu maître après un combat sanglant, où les deux partis firent l’un et l’autre preuve devaleur. Un bataillon des volontaires de la Charente s’y distingua particulièrement.
Le général Neuilly, au lieu de se maintenir dans Neerwinden, comme il en avait l’ordre, commit la faute de ledépasser. Emporté par l’ardeur de ses troupes, il s’était étendu dans la plaine. A ce moment, le général Clairfait, quivenait de recevoir des renforts considérables, fit marcher la gauche des deux lignes de l’infanterie autrichienne contrele village de Neerwinden qu’il reprit. Le duc de Chartres, que sa position mettait à même d’apercevoir ces progrès del’ennemi, vole aussitôt à la tête des quatrième et cinquième colonnes, fond avec rapidité sur les Autrichiens, et leschasse une seconde fois de Neerwinden. Le général Desforêts, fut blessé, dans cette action, d’un coup de feu à la tête.
La confusion succéda au succès de cette attaque ; le village se trouva encombré d’infanterie, qui se mêla, se mit endésordre, et l’abandonna encore à l’approche de l’ennemi.
Dumouriez, qui arriva sur ces entrefaites, fit attaquer le village, pour la troisième fois, par toute sa droite. Le régimentde Deux-Ponts y pénétra, malgré la vive résistance de l’ennemi. Sa valeur lui coûta cher ; il perdit, dans cette attaque,plus de trois cents hommes. Mais déjà l’ennemi avait eu le temps de faire marcher sur ce point décisif toutes lestroupes de son centre et une partie de celles de la droite. Après avoir défendu Neerwinden avec le plus vifacharnement, les Français, foudroyés par l’artillerie autrichienne, évacuèrent encore une fois ce village, qui restaencombré de morts et de blessés des deux partis.
Dumouriez essaya de reformer sa ligne en arrière de Neerwinden. Dans ce moment critique, la cavalerie impérialedéboucha tout-à-coup dans la plaine, et forma deux attaques : la première entre Midelwinden et le village évacué ; laseconde, à gauche de ce village, était dirigée sur les deux lignes d’infanterie.
Valence, saisissant l’importance de ce mouvement, chargea impétueusement sur la première attaque, à la tête de lacavalerie française. Le choc fut rude ; Valence y reçut plusieurs coups de sabre, et fut obligé de se faire transporter àTirlemont. Mais la cavalerie impériale fut repoussée. La seconde attaque de cavalerie déboucha au même instant quela première, et avec la même impétuosité, par la gauche de Neerwinden, pour se jeter sur l’infanterie de la quatrièmecolonne. Le général Thouvenot, qui s’y était porté, fit ouvrir les rangs pour la laisser passer ; ensuite, il fit faire si apropos une décharge de mousqueterie par le régiment de Deux-Ponts, et un feu à mitraille, que cette cavalerie en futabîmée.
A la droite et au centre, le combat se trouvait rétabli, et la victoire était encore balancée. Mais à la gauche, les affairesallaient bien différemment. Après s’être emparé du village d’Orsmael, Miranda se l’était vu enlever par les grenadiersdu prince Charles, tandis que le général autrichien Benjousky s’avançait par la chaussée de Tirlemont pour le tourner.La terreur se mit dans les bataillons de volontaires, qui, se voyant près d’être enveloppés, prirent la fuite, etabandonnèrent les troupes de ligne. Les Autrichiens augmentèrent encore ce désordre par une charge de cavalerie, quiacheva de mettre les deux colonnes de gauche en déroute. Guiscard, maréchal-de-camp d’artillerie, fut tué, ainsi queplusieurs aides-de-camp et officiers d’état-major. Les généraux Hiler et Ruault furent légèrement blessés.
Cependant Miranda, que les Autrichiens ne jugèrent pas à propos de poursuivre, et auquel le général Miacsinskiamenait un secours de huit bataillons qui n’avaient point encore combattu, aurait pu facilement rallier ses troupesderrière le pont d’Orsmael, et les ramener à la charge. Mais, au lieu de prendre cette mesure, qui peut-être eût étédécisive, il se laissa entraîner par ses soldats, donna l’ordre de la retraite, et l’exécuta précipitamment jusque derrièreTirlemont, à plus de deux lieues du champ de bataille, sans faire prévenir le général en chef de ce mouvement. Celui-ci conservait encore quelque espoir, et n’entendant plus le feu de sa gauche, il pouvait raisonnablement attribuer cesilence à un succès, surtout ne voyant point paraître l’ennemi sur le flanc de son centre, où devaient se porter les coupsdécisifs.
Mais sur la fin de la journée, la droite des Autrichiens, n’ayant plus d’inquiétude sur le mouvement rétrograde deMiranda, s’était reportée sur le centre et la droite de Dumouriez. Ces troupes victorieuses abordent avec ardeur, sur lechemin de Saint-Tron, les Français qui se défendaient avec vigueur contre les attaques du centre et la gauche del’armée ennemie. Déja fatigués d’un combat opiniâtre, soutenu depuis onze heures, les Français s’épouvantent à lavue de cette droite, dont l’apparition leur annonce les désastres de la gauche.
Au même moment, le désordre et la confusion deviennent extrêmes. En vain les généraux font les plus grands effortspour les rallier, et s’opposer à une prochaine déroute. Les troupes méconnaissent leur voix ; la fuite est désormais leseul moyen de salut qu’elles voient devant elles. Elles repassent précipitamment la petite Geete, il n’est plus possiblede les retenir.
Cette armée qui avait si glorieusement chassé de France les coalisés, qui, en si peu de temps, avait conquis laBelgique, perd ainsi en un instant le fruit de ses premiers succès. La bataille de Neeminden fut aussi funeste à larépublique que celle de Jemappes lui avait été favorable.
Quatre mille morts ou blessés laissés sur le champ de bataille, deux mille cinq cents prisonniers, un matériel immenseabandonné à l’ennemi, une armée toute entière désorganisée, l’évacuation presque totale de la Belgique, tels furent lesrésultats d’une journée qui fit perdre à Dumouriez toute sa gloire, et à laquelle, disait-on alors, ce général, mécontentde la Convention, avait contribué puissamment par ses mauvaises dispositions et par la trahison.
Quoique vainqueurs, les Autrichiens avaient aussi considérablement souffert. Ils avouèrent dans leurs rapports uneperte de trois mille morts.
Cette bataille, qui allait une seconde fois ouvrir les portes de la France aux puissances alliées, et qui était comme lesignal des désastres qui l’ont suivie, a été diversement racontée par les auteurs. Nous avons suivi le récit qu’endonnent Dumouriez dans ses mémoires, le général Jomini, que nous avons copié en plusieurs endroits, et desmémoires manuscrits.
Cependant, il est vrai de dire que d’autres écrivains, d’une autorité moins sûre et moins positive, la rapportent toutdifféremment. Suivant eux, c’est Dumouriez lui seul qui, par ses mauvaises dispositions, a perdu cette bataille.Miranda, au lieu de fuir lâchement, n’aurait été vaincu que parce que Dumouriez lui avait ordonné une attaqueimpossible à exécuter.
L’auteur du Tableau historique cite, à l’appui de cette assertion, ce passage d’un rapport sur la bataille de Neerwinden,fait à la Convention par le général Miranda, le 29 mars 1793 :
« A neuf heures, les colonnes se mirent en mouvement, et à dix l’attaque commença à la gauche. Quatre colonnespassèrent sur le pont d’Orsmael et par la chaussée, une autre par le pont de Leau.
La position de l’ennemi était si avantageuse par le terrain, par le nombre et par la formidable artillerie qui le couvrait,que l’infanterie, avant d’avoir pu approcher ses lignes, avait été obligée de repousser la cavalerie et les troupes légèresqui occupaient les villages, et d’essuyer le feu des batteries croisées, avant de pouvoir gravir les hauteurs surlesquelles était postée l’infanterie ennemie, sur deux lignes.
Les Français prirent d’abord les villages, et repoussèrent la cavalerie. Mais le terrain coupé empêchant nos colonnesde se déployer, le feu des artilleurs ennemis produisit sur elles un tel effet, que l’infanterie, après les plus noblesefforts, et après avoir essuyé une perte considérable, ne put pas déposter celle de l’ennemi, qui était sur les hauteurs,couverte de toute son artillerie, tandis que celle des Français, démontée et perdant ses chevaux dans les chemins oùelle se trouvait engorgée ou embourbée, ne put être mise avantageusement en batterie.
L’infanterie française fut donc obligée de se replier, après plusieurs heures de combat, derrière la petite Geete, encherchant à reprendre la position qu’elle avait avant l’attaque. Dans cette retraite, il y eut quelque desordre. Mais il nepeut être attribue ni aux généraux, ni aux troupes, si ce n est par Dumouriez, dont l’impéritie égala la malveillanceenvers le général Miranda ».
De son côté, le général en chef autrichien Cobourg prétend, dans ses rapports, que Dumouriez ne reprit point le villagede Neerwinden, et que l’armée autrichienne, en ayant une fois chassé les Français, elle s’y était maintenue.
Tous ces rapports diffèrent donc essentiellement entre eux. Mais quelles que fussent les causes de ce désastre, labataille de Neerwinden n’en était pas moins perdue, et ce revers allait placer la France dans une position bien difficile,dont elle ne pouvait être tirée que par des moyens extraordinaires et surnaturels, comme ceux que ces fastes militairesretraceront en partie.