Retour au sommaire
Le Général Duhesme envoya de Barcelona le 04/06/1808 deux colonnes,
d’approximativement 4.000 hommes chacune, commandées respectivement par les généraux Schwartz et Chabran.
Ce dernier devait rejoindre les troupes du Maréchal Moncey, envoyées vers Valencia, après avoir occupé Tarragona (ce qui fut fait sans opposition le 07 juin 1808) ; la colonne du général Schwartz devait, elle, rejoindre les troupes du Maréchal Lefebvre devant Zaragoza, après avoir effectué une opération punitive à Manresa (en effet cette ville fut l’une des premières à se soulever contre les Français), et occuper Lérida et sa forteresse.
Le Général Schwartz dut s’arrêter à Martorell le 05 juin 1808 à cause de pluies diluviennes, ce qui permit aux habitants de Manresa et des alentours de se préparer à résister aux Français. Les habitants s’armèrent comme ils le purent, mais ne disposaient pas d’assez de munitions. Ils commencèrent à communiquer entre eux par des signaux lumineux, que les Français n’interprétèrent pas comme une menace.
Afin de disposer de munitions, les habitants utilisèrent des bouts de ferraille et des têtes de clous pour servir de balles ; puis ils se dirigèrent vers les hauteurs d’El Bruch, sur les flancs du Montserrat (à mi-chemin entre Sabadell et Manresa), la montagne Sainte des Catalans, en chantant des hymnes patriotiques.
Une centaine de paysans de Manresa rejoignit les Somatenes (milices) de Igualada, portant la bannière du Santo Cristo, avec à leur tête Don Antonio Franch (riche propriétaire terrien qui par la suite continua le combat et se distingua comme guérillero et fut récompensé plus tard par le poste de Lieutenant-Colonel dans l’armée), les frères Juan et Jaime Llimona, artisans, Francisco Riera, Mauricio Carrió et Augurio Parera y Soler (qui s’était distingué comme capitaine de somatenes durant la guerre de 1793 contre la France.
Le général Schwartz continua sa marche au matin du 06 juin 1808, passant par Esparraguera ; puis, après avoir reposé ses troupes plusieurs heures à Collbató, attendant la fin d’une nouvelle averse, il continua vers El Bruch.
A peine quittées les dernières maisons et pris le premier virage que formait le Camino Real (Chemin Royal) avant de prendre la route qui va à Manresa, l’avant-garde, composée de cuirassiers, essuya le feu nourri des somatenes embusqués, dont les balles faites en forme d’ogive traversaient les cuirasses (il s’agissait de leur première utilisation).
Le premier instant de stupéfaction passé, les Français, ainsi attaqués à découvert, reculèrent pour chercher le soutien du gros de la division. Le Général Schwartz renforça son avant-garde avec une forte colonne
d’attaque qui se lança, précédée et flanquée par une nuée de tirailleurs, sur les somatenes. Ces derniers, sous la pression des Français et mal armés, se replièrent en combattant jusqu’à Manresa pour certains, et vers
Igualada pour les autres, abandonnant l’édifice connu sous le nom de Casa Masana.
Edifice aussitôt occupé par les Français qui s’y arrêtèrent, satisfaits d’avoir pris possession d’un tel poste avancé, et profitant de l’occasion pour arrêter la poursuite et se reposer.
Les manresanos rencontrèrent dans leur fuite les somatenes de San Pedro, unité composée de 100 hommes sous les ordres du Capitaine José Viñas et de 60 habitants de Sallen menés par leur vicaire, Ramón Mas, tous bons tireurs ; ils reprirent leur souffle et, avec ces nouveaux renforts, retournèrent vers les positions tenues par les Français.
La Casa Masana était devenue le point de ralliement de la colonne du Général Schwartz, qui campait aux alentours.
Attaqués et poursuivis avec impétuosité par les somatenes, les avant-postes se replièrent précipitamment sur le gros de leurs forces qui, alerté et apercevant de toutes parts les patriotes catalans venir à eux, forma un gigantesque carré.
Les impériaux furent alarmés par le roulement d’un tambour (on ne connaît pas le nom de ce tambour, originaire de Ampurdán, membre des Guardias Españolas, qui s’était enfui de Barcelona, accompagnait les somatenes de San Pedro, et disparut après ces évènements).
Un tambour ! Mais alors des forces régulières espagnoles étaient présentes ! Et elles allaient soutenir les somatenes dans leur action ! Sans doute le régiment de ligne Extremadura qui avait quitté Barcelona il y a quelques jours ?
Les minutes passant, le feu étant de plus en plus nourri et précis, les Français prirent la décision de se replier ; au début, le mouvement fut effectué avec ordre et sans précipitation.
Mais les nouvelles et bruits du combat arrivant aux différents hameaux et villages des alentours, entrainèrent nombre d’hommes à rejoindre les rangs grossissants des patriotes.
Maintenant, les impériaux étaient soumis au feu des Espagnols sur leur arrière-garde et sur leurs flancs ; ils devaient s’arrêter constamment pour mettre en batterie les deux pièces d’artillerie dont ils disposaient afin de repousser les attaquants ; nonobstant, ils réussirent à parvenir jusqu’à Esparraguera en bon ordre, pour s’apercevoir que la rue principale du village était bloquée par une barricade faite de meubles, de charrettes, poutres et toutes sortes d’objets, et que les habitants, postés aux fenêtres, sur les toits et dans les recoins, s’apprêtaient à les recevoir.
La tête de colonne subit de lourdes pertes, ce qui contraignit le général Schwartz à éviter de traverser le village, divisant ses forces en deux groupes qui passèrent de part et d’autre pour se rejoindre sur la route au-delà de l’obstacle. La marche continua dans le plus grand désordre, qui fut encore accru par le franchissement de la rivière de Abrera, non loin de Pallejá, sur un pont de bois qui avait été incendié en plusieurs points par les somatenes : plusieurs soldats et une pièce d’artillerie furent ainsi précipités au fond du lit du cours d’eau.
Les Espagnols continuèrent à harceler jusqu’aux portes de Martorell les Français en retraite ; ces derniers continuèrent leur mouvement rétrograde jusqu’à San Felíu de Llobregat, situé à quelques lieues de Barcelona, où ils arrivèrent dans la nuit du 07 juin 1808 pour ne pas présenter en plein jour l’image de troupes abattues et fatiguées portant le masque de la défaite.
La gloire d’avoir infligé la première humiliation aux aigles impériales revient donc aux somatenes : quelques 400 paysans mal armés réussirent à stopper et à faire fuir une division composée de soldats aguerris, forte de plus de 4.000 hommes des trois armes, jusqu’à Barcelona où elle s’enferma honteusement.
Les miliciens occasionnèrent la perte de plus de 320 hommes, 60 chevaux et une pièce d’artillerie.