Correspondance de Napoléon
54e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Une colonne russe s'était portée sur Liebstadt, au delà de la petite rivière de la Passarge, et avait enlevé une demi-compagnie de voltigeurs du 8e régiment de ligne, qui était aux avant-postes du cantonnement. Le prince de Ponte-Corvo, informé de ce mouvement, quitta Elbing, réunit ses troupes, se porta, avec la division Rivaud, au devant de l'ennemi, et le rencontra auprès de Mohrungen, le 25 de ce mois à midi. La division ennemie paraissait forte de 12,000 hommes. On en vint bientôt aux mains : le 8e régiment de ligne se précipita sur les Russes avec une valeur inexprimable, pour réparer la perte d'un de ses postes. Les ennemis furent battus, mis dans une déroute complète, poursuivis pendant quatre lieues et forcés de repasser la rivière de la Passarge. La division Dupont arriva au moment où le combat finissait et ne put y prendre part.
55e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Voici les détails du combat de Mohrungen :
Le maréchal prince de Ponte-Corvo arriva à Mohrungen avec la division Drouet, le 25 de ce mois, à onze heures du matin, au moment où le général de brigade Pacthod était attaqué par l'ennemi.
Le maréchal prince de Ponte-Corvo fit attaquer sur-le-champ le village de Pfarrersfeldchen par un bataillon du 9e d'infanterie légère. Ce village était défendu par trois bataillons russes, que l'ennemi fit soutenir par trois autres bataillons. Le prince de Ponte-Corvo fit aussi marcher deux autres bataillons pour appuyer celui du 9e. La mêlée fut très-vive; l'aigle du 9e régiment d'infanterie légère fut enlevée par l'ennemi; mais, à l'aspect de cet affront dont ce brave régiment allait être couvert pour toujours, et que ni la victoire ni la gloire acquise dans cent combats n'auraient lavé, les soldats, animés d'une ardeur inconcevable, se précipitent sur l'ennemi, le mettent en déroute et ressaisissent leur aigle.
Cependant la ligne française, composée du 8e de ligne, du 27e d'infanterie légère et du 91e, était formée. Elle aborde la ligne russe, qui avait pris position sur un rideau. La fusillade devient vive et à bout portant.
A l'instant même le général Dupont débouchait de la route de Hollande avec les 32e et 96e régiments. Il tourna la droite de l'ennemi. Un bataillon du 32e régiment se précipita sur les Russes avec l'impétuosité ordinaire à ce corps; il les mit en désordre et leur tua beaucoup de monde. Il ne fit de prisonniers que les hommes qui étaient dans les maisons. L'ennemi a été poursuivi pendant deux lieues. La nuit a empêché de continuer la poursuite. Les comtes Pahlen et Gallitzin commandaient les Pusses. Ils ont perdu 300 hommes faits prisonniers, 1,200 hommes laissés sur le champ de bataille et plusieurs obusiers. Nous avons eu 100 tués et 400 blessés.
Le général de brigade Laplanche s'est fait distinguer. Le 19e de dragons a fait une belle charge sur l'infanterie russe. Ce qui est à remarquer, ce n'est pas seulement la bonne conduite des soldats et l'habileté des généraux, mais la rapidité avec laquelle les corps ont levé leurs cantonnements et fait une marche de nuit très-forte pour toutes autres troupes, sans qu'il manquât un seul homme sur le champ de bataille. Voilà ce qui distingue éminemment des soldat qui ne sont mus que par l'honneur.
56e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.
Après le combat de Mohrungen, où elle avait été battue et mise en déroute, l'avant-garde de l'armée russe se retira sur Liebstadt ; mais le surlendemain, 27 janvier, plusieurs divisions russes la joignirent, et toutes étaient en marche pour porter le théâtre de la guerre sur le bas de la Vistule.